Au-delà du droit, un enjeu pour la Côte d’Ivoire .Par Benoît NGOM*
Benoît NGOM est le Président de l’Académie Diplomatique Africaine (ADA)

Benoît NGOM est le Président de l’Académie Diplomatique Africaine (ADA). Egalement Président fondateur de l’Institut des Hautes Etudes pour la Justice et les Droits Fondamentaux en Afrique (IHEDJA, M. Ngom se prononce sur la situation préélectorale en Côte d’Ivoire dans le texte que nous reprenons ci-dessous.
La possible candidature de Tidjane Thiam à la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire ne saurait être réduite à une simple question juridique liée à la nationalité. Bien que les juristes des camps opposés s’affrontent à coups d’articles constitutionnels et d’interprétations de la loi électorale, le débat dépasse largement le cadre légal.
Peut-on raisonnablement contester l’ivoirité du petit-fils d’Houphouët-Boigny, père fondateur de la nation ivoirienne ? Peut-on sérieusement soutenir qu’il ait perdu sa nationalité sans en avoir formellement renoncé ?
La Côte d’Ivoire, pays de l’« Akwaba », semblait avoir définitivement tourné la page de l’idéologie de l’ivoirité – une doctrine qui a jadis terni son image de havre de paix et aurait pu empêcher le pays de bénéficier de l’expertise d’Alassane Ouattara. Si cette logique avait prévalu, celui-ci n’aurait jamais pu devenir président et contribuer à la stabilité et au développement de la Coted’Ivoire. Ressusciter ces vieux démons serait une erreur grave.
Comme le rappelle l’adage attribué à Cicéron – Summum jus, summa injuria – un excès de droit peut conduire à l’injustice. Le droit n’est pas toujours synonyme de justice ou d’équité. Se réfugier derrière des textes, dont l’interprétation fluctue avec les circonstances politiques, c’est oublier que la vocation ultime du droit est de préserver l’ordre public.
La stabilité de la Côte d’Ivoire est un bien inestimable pour l’ensemble de la communauté ouest-africaine
La stabilité de la Côte d’Ivoire est un bien inestimable pour l’ensemble de la communauté ouest-africaine. Ce pays, que les générations d’africains « formées » à l’école d’Houphouët considéraient comme une seconde patrie, mérite vigilance et engagement. Face aux dérives possibles, aucune femme ou homme de nonne volonté responsable ne devrait se contenter de dire demain : « Je savais. » Il faudra pouvoir affirmer : « Je l’avais dit. »
Il n’est pas trop tard pour éviter une nouvelle crise. Préserver la paix, c’est empêcher que la Côte d’Ivoire devienne un exemple négatif de plus, alors qu’elle devrait renforcer son image positive sur la scène continentale.
Nation pionnière, dotée d’infrastructures modernes et de réalisations hautement symboliques, de la Basilique de Yamoussoukro au Prix Houphouët-Boigny pour la paix, la Côte d’Ivoire ne doit pas s’abîmer dans des conflits inutiles.
Elle doit continuer à jouer son rôle moteur en Afrique, tant sur les plans économiques que culturel. L’héritage d’Houphouët – ouverture, hospitalité, vision panafricaine – ne doit pas être dilapidé.
Le Président Alassane Ouattara, dont le parcours exceptionnel a consolidé les acquis des générations passées, a aujourd’hui le devoir d’agir pour préserver la paix.
Relancer un dialogue inclusif avec toute la classe politique serait un geste fort, garantissant une fin de mandat honorable et un avenir apaisé.
Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Tidjane Thiam… Tous, héritiers directs ou indirects d’Houphouët-Boigny, ont entre leurs mains une part de l’avenir ivoirien.
Puisse un sursaut collectif leur permettre de préserver ensemble les acquis chèrement obtenus.
*Président de l’Académie Diplomatique Africaine (ADA)