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Antony Blinken : « Notre désir, notre but, c’est l’établissement d’un État palestinien »

Antony Blinken : « Notre désir, notre but, c’est l’établissement d’un État palestinien »

Antony Blinken a accordé une intervention aux chaînes françaises LCI-TFI en marge de son séjour à Paris. Le chef de la diplomatie américaine a aussi rencontré le Président français Emmanuel Macron.

Les Etats-Unis n’ont pas « le désir de conquérir de territoire, de garder un territoire », a déclaré le Secrétaire d’Etat américain interrogé sur divers sujets.

L’intégralité de l’interview d’Antony Blinken

Monsieur le Secrétaire d’État, bonsoir.  Vous dirigez, Antony Blinken, la politique étrangère des États-Unis. D’abord, l’Ukraine qui appelle à l’aide. Est-ce que les États-Unis sont en mesure de promettre que jamais l’État ukrainien, que jamais Kiev ne tombera dans la main des Russes ?

Je suis convaincu que c’est déjà fait. C’est-à-dire, ça ne se passe pas, ça ne se passera jamais. On a cru au début de l’agression russe en 2022 qu’il y avait une possibilité que Kiev tombe. Mais grâce à la résistance incroyable du peuple ukrainien et grâce aussi au soutien que les États-Unis, la France et d’autres pays ont apporté à l’Ukraine, le désir de Poutine de conquérir le pays en entier, de l’effacer de la carte, d’en faire partie d’une grande Russie, ça ne s’est pas réalisé et ça ne se réalisera pas.

Monsieur Zelensky a dit : « On n’est pas sûr à 100 % que Poutine ne recourra pas à l’arme nucléaire. » Et il ajoute « C’est ça qui rend le président Biden prudent. » Est-ce qu’effectivement, vous devez tenir compte de ce risque ?

Dès le début, dès le premier jour, le président Biden était convaincu de deux choses : qu’il fallait faire le maximum possible pour soutenir l’Ukraine, parce que l’agression contre l’Ukraine, ce n’était pas simplement une agression contre le peuple ukrainien et contre le pays, mais aussi contre tous les principes de base du système international. Mais il était également convaincu qu’il fallait éviter une guerre avec la Russie…

Une escalade nucléaire ?

Une escalade, que ce soit conventionnelle ou nucléaire. Et donc, depuis, il dirige avec grande clarté dans cette direction : soutien pour l’Ukraine mais en évitant une guerre avec la Russie.

Ça n’est pas que théorique. On se rappelle cette alerte qui avait sonné sur ces messages interceptés sur le possible emploi d’armes nucléaires tactiques en Ukraine, n’est-ce pas ? Si tel était le cas, quelle serait la réponse des États-Unis ?

Écoutez, je ne vais pas rentrer dans les hypothèses. On a eu effectivement un moment où il y a eu une crainte. Je pense que…

Il y avait des messages concrets qui l’indiquaient.

Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a eu une crainte que c’était possible. Mais je pense que les Russes ont entendu de la part non seulement des États-Unis, non seulement de la France, mais de beaucoup d’autres pays, y compris la Chine, qu’il ne fallait absolument, absolument pas faire l’utilisation d’une arme nucléaire.

Mais sur le principe, Monsieur le Secrétaire d’État, par rapport aux conventionnelles, la moindre utilisation nucléaire, même tactique, est-ce que ce serait un changement complet ?

Pour nous, ce serait un changement complet, effectivement.

Avec des conséquences sur la Russie ?

Avec des conséquences. Mais on fait tout, évidemment, pour éviter cette éventualité et éviter une guerre, une plus grande guerre. Mais en même temps, il faut absolument soutenir l’Ukraine parce que l’agression russe continue à ce jour, continue à faire des dommages effroyables au sein de l’Ukraine et continue à présenter un danger non seulement pour Ukraine, mais pour l’Europe.

Les Baltes expriment une crainte de guerre plus conventionnelle. Ce serait une incursion russe dans les territoires baltes et, comme en Crimée en 2014, le fait accompli. Est-ce que cette fois, les États-Unis l’empêcheraient militairement ?

Vous savez, on a un atout exceptionnel, c’est l’OTAN. Et l’idée de base de l’OTAN, c’est qu’une attaque contre un des membres de l’OTAN, c’est une attaque contre tout le monde.

Article 5.

Article 5. Et, justement, je pense que Monsieur Poutine n’a pas intérêt lui-même à élargir le conflit et surtout à l’élargir avec ou contre un membre de l’OTAN.

Monsieur Blinken, vous comprenez bien que c’est la question cruciale pour les Baltes, notamment, est-ce qu’ils ont la sûreté qu’au moindre pied d’un soldat russe sur le territoire balte, il y aurait une réaction militaire des États-Unis d’Amérique ?

Un millimètre ou un centimètre. Pour nous, l’article 5, c’est quelque chose d’essentiel.

Avec une réaction militaire ?

Et, encore une fois, je ne rentre pas dans les hypothèses spécifiques, mais je pense que n’importe quel adversaire qui serait agressif contre un membre de l’OTAN sait qu’il aura une réponse de l’OTAN, y compris des États-Unis.

Lire aussi Antony Blinken sur l’Afrique : https://senegaalnet.com/antony-blinken-lafrique-represente-lavenir-pour-les-etats-unis/

Ça, c’est vous. Si c’est Monsieur Trump, est ce que ça change ?

Vous savez, moi, tout ce que je peux faire, c’est gérer aujourd’hui et faire de mon mieux avec tous mes collègues. L’avenir…

Mais est-ce que vous comprenez, pardon Monsieur le Secrétaire d’État, la crainte d’Européens qui se disent : « Si Monsieur Trump est là, il y aura peut-être un désengagement de l’OTAN » ?

J’entends des craintes venant de mes collègues, de mes compatriotes, mais, vous savez, il y a souvent des craintes quand il y a des changements dans les démocraties, que ce soient les États-Unis, que ce soit la France, que ce soit n’importe quel pays démocratique où il y a un changement de gouvernement tous les quatre ans, tous les six ans ou quoi que ce soit, il y a toujours quelque chose parce qu’évidemment, on s’habitue à ce qu’on a, on ne sait pas ce qui nous attend, mais ce que je peux vous dire, c’est que cette année, ça fera 75 ans de l’OTAN, 75 ans où des administrations américaines, républicaines, démocrates ont soutenu l’OTAN. Je suis convaincu que quoi qu’il en soit, ça continuera.

Vous avez aidé très puissamment l’Ukraine, vous excluez — ça, c’est clair — des troupes américaine en Ukraine, n’est-ce pas ?

Oui.

En revanche, que se passe-t-il si des Français — Monsieur Macron a dit « ça n’est pas exclu » — des Finlandais, des Polonais le font. C’est leur choix. Est-ce que ça nécessitera un consensus de l’OTAN ?

Encore une fois, pour moi, j’évite les hypothèses pour l’avenir. Notre politique est claire. La politique du président Biden est claire. Il n’y aura pas de troupes américaines sur le sol ukrainien.

Pourquoi ?

Parce que pour nous, c’est quelque chose qui mènera plus proche d’un conflit direct avec la Russie, ce que nous voulons éviter. Ce n’est pas dans notre intérêt ni dans l’intérêt des Alliés. Mais en même temps…

Est-ce que ce serait une sorte de coup de canif dans le pacte, disons depuis la guerre froide où il n’y a pas d’affrontement direct entre les deux puissances nucléaires, le fait que des troupes au sol aient lieu ?

Pour nous, c’est une question d’intérêt national. Ce n’est pas dans notre intérêt d’avoir un conflit direct avec la Russie. Je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt de chacun des membres de l’OTAN. Mais en même temps, il y a une détermination, une conviction qu’il faut faire le maximum pour soutenir l’Ukraine et le faire non seulement cette année, mais dans les années qui viennent.

Parce que le vrai danger — il y a un danger immédiat sur le terrain — mais le plus grand danger, c’est l’idée qui est peut-être dans la tête de Poutine, qu’il pourra durer le plus longtemps, qu’on va finir par s’effacer, que ce soit nous, que ce soit l’Europe, que ce soient les autres partenaires. Je pense qu’il faut, qu’il est essentiel de convaincre Poutine que ça ne sera pas le cas.

Mais, Antony Blinken, encore une fois, si des Français y vont aussi, des Finlandais, des Polonais, etc., est-ce que c’est à nos risques et périls ou est-ce que vous pensez que ça engagera l’OTAN ?

Chacun doit prendre ses décisions à l’échelle nationale et à l’échelle de l’Alliance aussi.

Il faudra un accord de l’Alliance ?

Encore une fois, je ne rentre pas dans les hypothèses, mais je sais très bien que, avec les relations que nous avons au sein de l’Alliance, les relations que nous avons directement avec la France, tout ce qu’on fait, on le fait ensemble. On en parle, on en discute et on décide ensemble.

Le président Macron, au Brésil, a évoqué la possibilité que Vladimir Poutine participe au prochain G20 à condition, disait-il, que ce soit utile et qu’il y ait un consensus de tous les membres du G20. Est- ce que pour vous, c’est une possibilité, à ces conditions ?

S’il y a un consensus de tous les membres et s’il y a une utilité, oui. Dans le cas, dans la conjoncture actuelle, c’est difficile de voir comment ça pourrait être utile et comment il y aurait un consensus de tous les membres…

Pour vous, ce serait imaginable, pardon, une poignée de main Poutine-Biden à condition, bien sûr, que ce soit utile ?

L’idée n’a jamais été d’exclure la Russie ou M. Poutine. C’est les actions, c’est la politique de la Russie et de Monsieur Poutine qui implique ce qui se passe au niveau des relations de la Russie avec le G20 ou avec le G7, avec le monde. Alors, si la politique change, on n’exclut rien. Le problème, c’est qu’on n’a pas de preuve, pour l’instant, que la politique change.

Mais si la politique change, on peut de nouveau parler à Monsieur Poutine très directement, même dans un sommet ?

J’espère qu’il y aura un jour, et j’espère que ce jour sera plus proche que plus loin, où les relations entre nos pays et la Russie seront tout autres que les relations actuelles. Malheureusement, ce n’est pas le cas et ce n’est pas le cas à cause de la politique de Monsieur Poutine.

Pour être vraiment clair, il n’est donc pas un paria pour toujours ? Pas forcément ?

La Russie n’est pas un paria et pour nous, c’est moins les individus qui comptent, les personnalités, c’est la politique menée par un pays.

Monsieur le Secrétaire d’État, autre crise majeure évidemment au Proche-Orient, vous n’avez pas caché vos désaccords avec Benjamin Nétanyahou. On ne va pas les détailler, mais dans l’esprit, selon vous, la politique de force qu’il mène, en quoi est-ce qu’elle serait dangereuse ?

Il y a un défi extraordinaire pour Israël. C’est que faire après l’attaque du 7 octobre, le jour d’après. Comment vivre avec Hamas et le danger que ça représente, un danger continu ? C’était non seulement normal, c’était presque une obligation de répondre, et de répondre en sorte que le 7-Octobre ne pourra plus jamais se reproduire. Et n’oubliez pas qu’Israël s’est retiré de Gaza en 2005.

Il y a eu des attaques contre Israël venant du Hamas en 2008, 2009, 2011, 2014, 2021, 2023. En même temps, nous avons dit dès le départ que nous soutenons le droit d’Israël de se protéger, d’assurer que le 7-Octobre ne se reproduise pas. Mais la façon dont Israël procède dans cette mission, ça c’est important aussi.

C’est trop brutal ?

Ce que nous avons vu avec la perte de vies, les enfants, les femmes, les hommes qui se retrouvent au milieu de cette confrontation, les dommages sont terribles. En même temps, le fait que l’aide humanitaire n’est pas suffisante pour le peuple de Gaza, ça représente un danger et une nécessité immédiate.

Antony Blinken, on comprend qu’il faut la sécurité d’Israël. Il faut aussi donner de l’espoir aux Palestiniens. Certains disent reconnaître par avance, de façon unilatérale, un État palestinien. Aujourd’hui, le Premier ministre d’Espagne dit qu’il pourrait le faire. Emmanuel Macron a dit que c’est un outil qu’on pourra employer le jour venu. Est-ce que vous partagez cet avis ?

Notre désir, notre but, c’est l’établissement d’un État palestinien, parce que nous sommes convaincus…

Mais ça paraît très loin

Surtout aujourd’hui, ça peut paraître très loin. Déjà avant le 7-Octobre, ça paraissait très loin…

Mais ça veut dire que l’acte de dire, voilà, on reconnaît déjà, maintenant, on fait cet acte politique de dire, évidemment, protéger Israël, mais en même temps, on reconnaît un État palestinien. C’est possible ?

Ce qui est important, c’est qu’il y ait un vrai accord entre Palestiniens et Israéliens, pas un accord qui est appliqué unilatéralement par d’autres pays, mais un vrai accord entre les deux. Mais, il faut aussi qu’il y ait du leadership venant de la part des grands pays dans le monde pour essayer d’arriver à cette destination. Je vous donne un exemple.

Israël a le désir d’avoir une relation normale avec l’Arabie saoudite. Ça serait quelque chose d’historique et d’extraordinaire. Nous y travaillons, mais pour, et je pense que c’est possible, pour arriver à le concrétiser, il faudra deux choses : le calme à Gaza et un accord sur l’établissement d’un État palestinien.

Donc on voit, si vous voulez, une route possible.

Dans bien des cas, il faut des compromis, compromis au Proche-Orient, ou compromis, et j’y reviens, à l’Ukraine. Un jour, est-ce qu’un compromis territorial sera nécessaire ? Certains pensent au Donbass et à la Crimée. Ou est-ce que pour vous, c’est le droit international, on n’y touche pas ?

Pour nous, ce qui est important, c’est le désir, la volonté du peuple ukrainien. C’est à eux de décider. Quoi qu’il décide, nous le soutiendrons. Mais je suis convaincu d’une chose aussi, malgré les difficultés du moment, premièrement, nous avons une défaite, une débâcle stratégique pour la Russie en Ukraine.

La Russie, au niveau militaire, économique, diplomatique, est plus faible. Le peuple ukrainien est réuni ensemble, en solidarité, contre la Russie, ce qui n’était pas le cas avant 2014, la première agression contre l’Ukraine.

Nous avons l’Europe qui a coupé la dépendance sur la Russie pour l’énergie et l’OTAN, maintenant plus fort, plus grand, deux nouveaux membres. C’était quelque chose qu’on n’envisageait pas du tout avant 2022. Donc, déjà, on sait ça. Et on sait aussi que l’Ukraine a la capacité d’être un État fort au niveau militaire, au niveau économique, au niveau démocratique.

Le chemin est là, ça se dessine, mais il faut le soutien des États-Unis, de la France et de l’Europe.

Un dernier mot, Antony Blinken. Nous sommes ici à la résidence des États-Unis. Merci pour votre français. de Jefferson, père fondateur, il est là. Il a eu cette formule fulgurante, il disait, les États-Unis, Empire de la liberté. Encore aujourd’hui, vous êtes une puissance impériale. La guerre d’agression en Iraq, les écoutes de la NSA, mais en même temps, vous dites : Non. Un peu ? Beaucoup ?

Impériale, non. On n’a pas le désir de conquérir de territoire, de garder un territoire. On a eu des interventions que, avec le recul, avec le temps, on aurait fait autre chose.

Vous les regrettez ?

Mais tout ce que je peux vous dire….

Vous ne m’avez pas répondu. Vous les regrettez ?

Oui, j’ai des regrets, absolument, sur l’Iraq, comme beaucoup de gens.

Mais, pardon, j’allais dire vous êtes en même temps défenseur de la liberté pour l’Europe de l’Ouest, nous avons besoin de vous. Est-ce que vous êtes toujours le gendarme du monde ?

Je suis convaincu de deux choses. Premièrement, pour presque tous les problèmes qui ont un impact sur la vie du peuple américain ou la vie des Français, on a une nécessité de coopérer, d’avoir une coordination avec les autres pays, que ce soient les Etats-Unis, que ce soit la France.

Seuls, on n’a pas la capacité de gérer tous ces problèmes. Mais je suis convaincu d’une autre chose aussi : sans l’engagement des États-Unis, les choses seront plus difficiles à essayer de gérer et d’arriver à un but commun.

Alors pour nous, l’essentiel c’est de créer des partenariats, de créer une meilleure coordination. Et ça commence avec des alliés de toujours comme la France. Mais chaque pays qui veut bien respecter les règles du jeu international, nous sommes partenaires, nous sommes partants.

Monsieur le Secrétaire d’État, merci beaucoup.

Merci à vous.

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