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Les fagots d’un périple présidentiel .Dr El Hadji Abdourahmane DIOUF*
Dr El Hadji Abdourahmane DIOUF, Ministre de l’Environnement et de la Transition écologique, évoque les récents voyages du Président de la République

Dr El Hadji Abdourahmane DIOUF, Ministre de l’Environnement et de la Transition écologique, évoque le récents voyages du Président de la République au Rwanda par exemple, dont il a fait partie.
Il a partagé sur les réseaux sociaux, Facebook notamment, une longue contribution sous le titre « Les fagots d’un périple présidentiel » que nous reprenons ci-dessous.
Le texte du Dr El Hadji Abdourahmane DIOUF
De Dakar à New York, de Kigali à Nairobi, sous les effluves d’un été finissant, nous avons suivi un itinéraire au service de notre pays. Le parcours a été inspirant. Des rencontres ont été organisées, des audiences accordées, des discours prononcés, des messages distillés. Le tout autour du primat d’un pragmatisme acéré, au service de la diplomatie du Sénégal. Qui de mieux que le premier diplomate du pays, le Président de la République Bassirou Diomaye Faye, pour donner le souffle !
A titre de partage, je vous propose ce narratif commun, adossé à un Nous de solidarité méthodologique, basé sur une action présidentielle concrète bien calibrée, nimbée dans la subjectivité et les concepts choisis par le témoin de circonstances que je suis. Pour que demain soit meilleur !
Il s’est agi de nous adresser à nos communautés, de vendre le label Sénégal, de revisiter les tréfonds de nos mémoires, de défier le déterminisme technologique, de nous rappeler nos responsabilités face aux urgences climatiques et environnementales et de redéfinir, à l’aune des intérêts de l’Afrique, un multilatéralisme au service de la paix.
L’art consommé du multilatéralisme opératif
Que ce soit sur le continent africain ou à l’échelle mondiale, l’option du multilatéralisme est assumée. Les grands défis mondiaux comme la crise sécuritaire au moyen orient, l’instabilité à Haïti, les violences au Sud Soudan, le jihadisme dans le Sahel sont soulevés sans agenda lié, à la propre discrétion de la diplomatie sénégalaise, avec des propositions crédibles qui placent le Sénégal sur la carte du monde.
La solution à deux Etats pour l’Israël et la Palestine est un classique sénégalais dont la réaffirmation à l’Assemblée générale des Nations Unies relève d’un leadership politique fort qui consacre notre rôle de veille et d’anticipation sur les crises majeures. Nous défendons les principes de justice quel que soit le bord. Nous tenons à la dignité des Etats et du peuple palestinien en l’occurrence. Nous y tenons quand bien même nous avons des relations d’amitié avec Israël. Que nous hébergions en notre territoire une ambassade israélienne et que nous soyons à l’avant-garde de la solution à deux Etats reste la marque de fabrique généreuse de notre pays. Nous parlons à tout le monde pour que la paix règne dans le monde !
Nous attendons que l’ONU fasse des efforts supplémentaires sur ce point, qu’elle se déploie avec plus de célérité, et qu’elle gagne en légitimité en acceptant de se réformer, pour mieux épouser les réalités d’un monde moderne en pleine mutation. La demande d’une meilleure place de l’Afrique au Conseil de sécurité n’est pas une simple coquetterie diplomatique. Elle pose la question de la dignité de tout un continent où s’agglomèrent des peuples matures et solidaires qui ne peuvent plus s’accommoder de règles supposées universelles à l’élaboration desquelles ils n’ont pas participé. L’égalité effective et juste doit tracer le sillon d’une ONU efficace et pragmatique et qui se déleste volontiers des desiderata du monde déstabilisé de la fin de la seconde guerre mondiale. Le monde d’aujourd’hui se gausse des vainqueurs d’hier. Il les intègre comme acteurs de poids, mais dans le respect des évolutions des peuples et des Etats. L’Afrique ne quémande pas des places indues. Elle travaille à se faire sa place, en enjambant les injustices coloniales et en demandant une redistribution des cartes.
Nous œuvrons pour une démocratie ouverte. Nous prônons la méthode de la sécurité collective qui multilatéralise les solutions et abhorre les échappées solitaires. Notre monde doit se souvenir de ses drames autogénérés, rétablir la dignité humaine sans discrimination et se projeter vers un futur qui garantit les solidarités intergénérationnelles. Cette option ne saurait que faire des extrémismes qui nous envahissent en portant les germes d’un monde anxiogène.
Urgences climatiques en optimum de premier rang
La prise en charge de nos urgences climatiques n’est pas une simple option. C’est une obligation. Elle n’est pas un simple mouvement de mimétisme. Elle s’inscrit dans l’agenda multilatéral avec l’ambition d’arriver à des solutions globales qui nous protègent et qui nous projettent vers la durabilité recherchée. Les urgences climatiques ne sont pas des agendas importés. Elles nous titillent jusque dans notre vie quotidienne, largement obérée par des incertitudes et des fragilités environnementales. Il nous faut les prendre à bras le corps, pour ne pas être pris en flagrant délit d’irresponsabilité vis-à-vis des générations futures.
Nous sommes agressés par le désert, à coups de boutoir ininterrompus. Au-delà des diverses conventions internationales que nous mettons en œuvre en la matière, New York a été le lieu de réaffirmation de notre initiative commune avec l’Espagne, avec la mise en place de l’IDRA, et en parfaite collaboration avec des partenaires stratégiques confrontés aux mêmes maux. Le Sénégal se fait l’écho du monde exposé à la désertification et entend rallier à cette cause nos pays partenaires africains.
En invoquant le Fonds Pertes et Dommages à New York, notre but est d’aider cette excellente initiative à prendre son envol et à nous accompagner dans la prise en charge d’aléas naturels dont nous ne sommes pas volontairement responsables. Cette solidarité agissante est un signal fort pour les urgences climatiques de toutes sortes. Nos côtes et nos plages se rétrécissent, le plus souvent, sans espoir de rémission. Le réchauffement climatique nous impose sa violence et son acuité et nous condamne à des drames humains à chaque fois que nous avons rendez-vous avec les forces de la nature.
Notre pays se doit d’être prêt sur la protection de la faune, de la flore et de la biodiversité. Nous devons être pragmatiques sur l’érosion côtière et trouver les moyens rapides de gestion de nos déchets. Cette volonté en bandoulière nous a valu la confiance de la communauté internationale. Notre pays organisera, en 2027, le premier congrès mondial sur les aires marines protégées (IMPAC6). Ce sera la première fois qu’un pays africain accueille un évènement de cette ampleur, dans ce secteur d’activité. Une telle confiance se mérite. Et il est de notre devoir de nous projeter en pays de référence, notamment en accélérant la ratification du Traité sur la Haute mer (BBNJ). C’est un engagement minimal pour l’ambition que nous portons pour la diplomatie environnementale.
Naturellement, nous restons conscients des enjeux liés à la prise en charge des intérêts de nos communautés qui vivent des ressources naturelles. Il nous faudra trouver un équilibre entre l’exploitation et la conservation, entre les exigences économiques modernes et la responsabilité de laisser un monde meilleur à nos enfants.
Le numérique au-delà du déterminisme technologique
Irembo sonne comme une quête de sens aboutie. Il rayonne et nous ramène à notre vision et à nos priorités. Si le Rwanda est cité en exemple, c’est en partie grâce à son sens de l’anticipation et son approche méthodique. Irembo a su cristalliser la haute ambition d’un pays africain autour du digital et à résorber un gap imaginaire avec le reste du monde que nos capacités intellectuelles ne sauraient tolérer. Irembo, c’est aussi un Etat qui se déleste de quelques prérogatives de puissance publique pour faire de l’espace à son secteur privé. Notre pays a compris les enjeux du digital. Et notre New Deal Technologique est en réverbération du succès rwandais. Notre approche est bien conçue, bien déclinée, bien assumée. Elle s’appuie sur nos talents avérés, dépouillés de tout biais cognitif hérité d’un passé récent très peu glorieux.
S’il y a un domaine où nous allons exceller, c’est bien celui de la digitalisation de notre société qui ne requiert que des cerveaux brillants au service de notre génie collectif. Ni mimétisme, ni réclusion. Mais un savoir-faire valorisé qui va à l’assaut du monde, à l’assaut des meilleurs.
S’il y a un domaine où notre dividende démographique doit opérer de façon optimale, c’est bien dans le sursaut numérique de notre pays. Notre jeunesse est un atout, une force de frappe digitale éprouvée avec une marge de progression au-dessus de la moyenne. Notre jeunesse, en nombre et en qualité, sera décisive pour nous positionner au rang des meilleurs. Et notre jeunesse a notre soutien.
Notre jeunesse ne sera pas seulement le bénéficiaire de notre politique sur le numérique, il en sera le principal partenaire. Notre conscience nous commande d’aller au-delà du déterminisme technologique qui sonnerait comme une fatalité. De la même manière, notre ambition nous dicte de nous extirper des marges intellectuelles où l’on semble vouloir nous confiner, pour le triomphe des autres.
Irembo comme Diamniadio, points d’impulsion de la révolution numérique africaine, nous affranchiront et nous serviront une meilleure version digitale de nous-mêmes.
Sursaut mémoriel et universalisme victimaire
Du monument African Burial Ground de New York à Kitui au Kenya pour célébrer la journée des martyrs ; de la remise du Livre blanc sur le massacre de Thiaroye à Dakar au Mémorial sur le génocide à Kigali, nos consciences sont fortement sollicitées sur notre humanité ou notre déshumanité, sur notre capacité à vivre ensemble et notre volonté de nous projeter vers un futur radieux.
En ces lieux, sont célébrés des hommes noirs, mitraillés, martyrisés, déshumanisés, décérébrés, dégoupillés, déshonorés et matraqués. Notre nette volonté d’un post modernisme qui serait de bon aloi, ne pourra nous déraciser au point d’oublier nos morts et nos héros. Que cela agace ou révulse, notre responsabilité est de porter haut le flambeau de l’homme noir, pour que notre conscience historique éradique de la planète toute velléité de rechute.
Thiaroye nous enseigne la dignité dans la revendication de ses droits. Il nous rappelle les atrocités coloniales. Il nous aide à faire face au déni. Il nous exige de commémorer pour ne pas oublier. Kitui nous ramène à la longue marche vers le recouvrement de la dignité africaine, à des époques où ceux qui sont célébrés aujourd’hui se parlaient et échangeaient sur notre accès à la souveraineté internationale.
African Burial Ground est un rappel douloureux de notre odyssée nègre qui nous dissémine dans les quatre coins du monde, sans le moindre égard à notre humanité désacralisée. Kigali avec son mémorial, nous renvoie à la cruauté humaine qui peut germer en chacun d’entre nous, quand les démons de la division ne sont pas anéantis dans la conduite de nos vies. Mais Kigali, c’est surtout une ode au pardon et à la repentance. C’est la capacité à se transcender pour ne pas se venger. C’est l’exigence absolue de prendre la hauteur qui nous ré-humanise dans notre quête infinie de bien-être.
Invest in Senegal et subtilités géosportives
L’APIX fait des merveilles. Le Forum Invest in Senegal que nous venons d’organiser en est une parfaite illustration. Notre pays a des atouts surs. Il attire et devra continuer à attirer des investissements utiles à l’amélioration de nos conditions de vie. Le Rwanda Development Board, l’équivalent rwandais de l’APIX, performe. Il assure à ce pays ami une visibilité internationale inversement proportionnelle à sa taille et à sa consistance démographique. C’est le modèle que nous avons en commun et qu’un partage d’expériences permettra d’optimiser. Le Sénégal est un pays ouvert sur le monde et qui assume un souverainisme au-delà de la vision étriquée d’un repli sur soi économique. On ne nous fera pas ce procès.
La coopération économique entre pays du Sud, de calibre économique sensiblement équivalent, est toujours teintée d’une once de concurrence complémentaire. Les amis se doivent de partager des parts de marchés en toute fraternité et dans la préservation des intérêts vitaux de chaque pays.
Nos deux pays ont compris les enjeux et se projettent dans l’une des plus grandes fêtes sportives de la jeunesse mondiale qui se tiendra au Sénégal, à travers les JOJ. C’est Dakar qui va accueillir. Et c’est l’Afrique qui va célébrer, ou vice versa. La marque de fabrique sportive du Rwanda se trouve dans un offensif marketing fort qui hypertrophie l’image du pays. Nous ne sommes pas en reste. Nous sommes mêmes précurseurs. Nos deux Arena sont des soeurs jumelles. L’organisation d’une compétition mondiale en cyclisme à Kigali, est en miroir des rencontres mondiales de la jeunesse au Sénégal. Même ambition, même modus operandi, même vision, dans un cadre fraternel qui hisse l’Afrique au sommet.
Notre diplomatie sportive ira en s’amplifiant, en combinant les meilleures pratiques dans le monde. Nous triompherons par le sport. Nous attirerons les investisseurs par le Sport. Nous serons une terre de sport au service de notre jeunesse et du rayonnement de notre pays. Le Kenya l’a si bien compris qu’il a mis en perspectives de sa CAN à venir les JOJ du Sénégal, en invoquant des échanges expériences, y compris dans la préparation des athlètes et des footballeurs.
Empathies communautaires et Diaspora
Notre diaspora a une force de frappe incommensurable. Elle se déploie par le talent, par le social, par l’économie avec sa vaste capacité à investir. Pour toutes ces raisons, nous lui accordons une importance capitale dans l’Agenda National de Transformation. Où que vous soyez, quoique vous faites, rapprochez-vous de notre pays ! Présentez vos projets ! Proposez ! Argumentez et rapatriez tous les bienfaits qui vous inspirent dans vos pays d’accueil.
Vous accordez une importance réelle au déploiement du service public de la justice au Sénégal. Nous vous rassurons sur nos intentions et notre façon de voir. Nous n’entraverons pas la justice. Nous ne lui donnerons pas d’injonction. Nous la laisserons travailler avec sa dignité et ses principes. C’est la condition pour avoir une justice juste. Et c’est notre crédo.
Nous ne dirigeons pas un parti politique. Nous ne dirigeons pas une partie des Sénégalais, encore moins une partie du territoire. Nous exerçons nos prérogatives dans leur plénitude sans parti pris, sans discrimination, sans œillères, et sans autres injonctions que les prescriptions républicaines liées à notre fonction de Président de la République. Où qu’il se trouve, le sénégalais pourra compter sur notre protection et notre bienveillance. Nous sommes le Président de tous et pour le bien-être de tous !
Nous avons hérité d’un pays fracturé. Tellement fracturé que nous en perdons nos valeurs morales qui ont pendant longtemps cimenté notre jeune nation. Le constater est un exercice de lucidité qui ne doit conduire ni à l’oubli ni à la justice des vainqueurs. Nous avons été nous-même victime d’injustices criardes. Nous avons subi. Nous avons enduré. Nous avons pardonné. Parce que l’essence de notre peuple nous enjoint de prendre la hauteur nécessaire au dépérissement des égos.
Le Sénégal est si hautement perché que de nos rancœurs et de nos rancunes ne devraient pouvoir l’atteindre. Vous accordez de l’importance au prestige du Sénégal. L’exemple kenyan qui a su attirer les sièges de plusieurs agences de Nations unies vous inspire. Sachez que nous vous avons compris. Nos discussions avec le système des nations unies sont très avancées. Nous les finaliseront bientôt, pour une solution accommodante pour toutes les parties, dans la garantie du rayonnement du Sénégal à travers sa Teranga universelle.
Après les expats, c’est le temps des repats. Si les conditions vous le permettent, rentrez au pays, pour que nous continuions à bâtir ensemble notre si belle nation. Au revoir et à très bientôt !