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Trump va-t-il délivrer l’Afrique ? .Benoit S NGOM*

Trump et ses relations avec l'Afrique suscite beaucoup de commentaires, après les décisions du locataire de la Maison Blanche

Trump et sa récente décision de suspendre l’aide au développement au profit de l’Afrique suscite la réflexion du Dr Benoit Saliou Ngom, éminent juriste, Président de l’Académie Diplomatique Africaine (ADA), Président fondateur de l’Institut des Hautes Etudes pour la Justice et les Droits Fondamentaux en Afrique (IHEDJA) basé à Dakar.

Nous reprenons ci-dessous l’intégralité de sa contribution titrée, « Trump va-t-il délivrer l’Afrique ? ». Pour M. Ngom, la démarche du patron de la Maison Blanche est…un mal pour un bien.

Trump et l’Afrique, selon Dr Benoit Saliou NGOM

La décision du président Donald Trump de suspendre l’aide à l’Afrique et de fermer l’USAID pourrait marquer un tournant dans l’émancipation du continent.

Depuis des décennies, l’aide internationale a entretenu une dépendance qui a convaincu de nombreux Africains que leur avenir repose sur la générosité étrangère.

Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer que cette décision brutale et inattendue entraîne nécessairement de lourdes conséquences sociales en Afrique. En ce sens, nous osons espérer que l’administration américaine, tout en mettant fin à ses engagements avec les États concernés, va essayer de respecter les us et coutumes qui régissent les conventions internationales en la matière.

Les USA, première puissance mondiale, membre du Conseil de Sécurité a un devoir d’exemplarité qui l’oblige à ne pas se détourner des conséquences de ses actes.

Ceci étant dit, l’Afrique doit évoluer vers le raffermissement de sa souveraineté. L’élite africaine, souvent plus soucieuse de préserver ses privilèges que de favoriser un véritable développement local, a renforcé cette dépendance à l’égard de l’étranger.

Elle perpétue l’idée que les solutions aux problèmes du continent viendront de l’extérieur.

Résultat : de nombreux jeunes Africains prennent des risques extrêmes pour atteindre l’Occident, perçu comme un « eldorado ». Or, les Africains doivent comprendre qu’eux seuls peuvent transformer leurs pays en lieux où il fait bon vivre.

Les nations qu’ils envient aujourd’hui se sont construites par le travail et le sacrifice de leurs propres populations. Par ailleurs, les gouvernements occidentaux, confrontés à leurs propres défis économiques et sociaux, n’ont aucune obligation de continuer à soutenir l’Afrique, surtout lorsque certains dirigeants africains s’enferment dans une posture de victimisation.

« Il est temps pour l’Afrique de rompre avec cette mentalité d’assisté »

Chaque peuple doit pouvoir dire : « Mon pays d’abord. » Ce n’est ni du nationalisme exacerbé ni un rejet de l’autre, mais une nécessité, un acte patriotique.

Comme le dit un proverbe du Sénégal : « L’amour de soi ne signifie pas la haine de l’autre. » Même si l’autofinancement de grands projets en Afrique est encore relativement rare, certaines initiatives ont réussi à mobiliser des ressources locales, publiques ou privées.

A cet égard, afin d’illustrer ces propos, nous allons donner deux exemples tirés, l’une de l’historiographie de la confrérie religieuse des Mourides du Sénégal, et l’autre de l’Éthiopie.

En 1929, sous la direction de leur premier Khalife, Serigne Mustapha Mbacké, les Mourides mirent en œuvre la construction du tronçon de chemin de fer reliant Diourbel à Touba.

Ce projet marquait leur volonté inébranlable de bâtir la Grande Mosquée de Touba, malgré l’opposition du pouvoir colonial, qui espérait les décourager. Pour entraver leur ambition, l’administration coloniale leur imposa la réalisation du chemin de fer Diourbel-Touba, indispensable pour acheminer les matériaux nécessaires à la construction de la mosquée.

Sans cette infrastructure, le transport des matériaux aurait été impossible. Cependant, le pouvoir colonial refusa d’entreprendre lui-même ces travaux, laissant aux Mourides la charge de leur réalisation, tout en leur imposant des conditions strictes, notamment en matière de droit du travail.

À la grande surprise des autorités coloniales, les Mourides, respectant scrupuleusement la légalité, entreprirent et achevèrent la construction du chemin de fer en ne comptant que sur leurs propres forces.

Si l’on considère les moyens limités dont disposaient ces modestes paysans, de surcroît peu nombreux, pour mener à bien ce projet, on peut se demander quelles grandes œuvres pourraient être réalisées aujourd’hui si les populations actuelles se mobilisaient avec la même ferveur.

Cette détermination, ancrée dans la foi et la confiance en soi, se manifesta à nouveau près d’un demi-siècle plus tard, lorsqu’un guide religieux mouride exhorta ses disciples à renouer avec l’agriculture, illustrant une fois de plus leur capacité à relever de grands défis.

Ainsi en 1991, sous l’impulsion de Serigne Saliou Mbacké, alors Khalife général des Mourides, le président Abdou Diouf décida de déclasser une partie de la forêt de Mbégué, située dans le village de Khelcom, au nord-est de l’arrondissement de Malem Hodar, dans la nouvelle région de Kaffrine.

La superficie attribuée s’élevait à 45 000 hectares. Comptant uniquement sur eux-mêmes, Serigne Saliou Mbacké et ses talibés entreprirent un travail colossal pour mettre en valeur ces terres. En quelques années, ils transformèrent cet espace en un domaine agricole prospère, un modèle aujourd’hui, inspirant pour toute une nation et bien au-delà.

Dans le même ordre d’idée et dans un cadre plus large, la construction du Grand Barrage de la Renaissance par l’Éthiopie illustre à l’échelle du continent ce qu’un peuple déterminé peut accomplir lorsqu’il se fixe des objectifs d’intérêt national.

« L’heure de la rupture a sonné pour les peuples africains »

Face aux hésitations, voire au refus des bailleurs de fonds internationaux traditionnels de soutenir un projet controversé par les pays voisins, le gouvernement éthiopien prit la décision de financer lui-même ce projet ambitieux et fit appel à sa diaspora pour contribuer à son financement.

La réalisation de cet important ouvrage fait actuellement la fierté de tout un peuple tout en étant un exemple pour le continent africain.

L’heure de la rupture a sonné pour les peuples africains. La décision du président américain de supprimer l’aide étrangère accordée par son pays au reste du monde constitue une opportunité pour l’Afrique de s’affranchir de cette dépendance.

Le Président Trump et des chefs d’Etats africains (archives)

Aucune réforme ni révolution ne saurait aboutir en Afrique sans une réappropriation de sa propre vision du monde, ancrée dans ses valeurs fondamentales de civilisation.

« L’aide internationale » doit progressivement céder la place à la mobilisation locale pour le développement durable. C’est dans cette perspective, nous semble- t- il, que le Premier ministre Ousmane Sonko déclarait récemment : « Nous ne nous développerons jamais avec les aides extérieures. »

Ce discours marquerait un tournant essentiel : il est temps pour l’Afrique d’apprendre à compter sur ses propres ressources plutôt que sur une aide étrangère dont le caractère aléatoire vient d’être une fois de plus démontré.

Loin d’accuser le président américain, Sonko semble inviter les Sénégalais à voir cette décision comme une source d’inspiration. Si les États-Unis prônent « America First », il revient aux Africains de proclamer « Africa First » au lieu de se lamenter.

Dans cet esprit, les États africains doivent accélérer l’intégration sous-régionale et mettre en place, sans délai, des mécanismes favorisant les échanges commerciaux intra-africains et l’industrialisation du continent.

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) constitue une opportunité pour développer des industries de transformation des produits agricoles et faciliter leur commercialisation sans entrave entre pays africains.

Une mobilisation rationnelle et patriotique de l’épargne locale, une recherche de sources alternatives de financement permettraient de financer des projets ambitieux tout en réduisant la dépendance étrangère.

L’affirmation de l’indépendance africaine passe inévitablement par la souveraineté alimentaire et énergétique, ainsi que par l’amélioration des infrastructures médicales à travers le continent

*Président de l’Académie Diplomatique Africaine (ADA)

 

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